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Contrepoint
Contrepoint est une revue en ligne qui s’adresse à toute personne intéressée par la traduction littéraire. Votre domaine d’activité est l’édition, la recherche, l’enseignement ? Vous êtes étudiant, journaliste ? Vous travaillez dans les institutions du livre ou, plus généralement, vous aimez suivre l’actualité de la littérature au-delà des frontières, du marché européen du livre, de ceux qui font l’une et l’autre ? Vous y trouverez certainement des informations qui vous parlent.
Nous y évoquons ce qui se passe au sein du CEATL, et regardons aussi vers l’extérieur. Nous présentons des articles sur les traducteurs et la traduction, et traitons plus largement du contexte culturel, artistique et économique de notre travail. Nous espérons que Contrepoint sera, comme son nom l’indique, un lieu où des voix indépendantes et parfois contrastées se retrouvent pour former un ensemble encore plus captivant, à l’image de la traduction littéraire elle-même.
Contrepoint est une publication gratuite – deux numéros par an (jusqu’au 10).

Télécharger Contrepoint no 10
L’association du mois…
DOF (Danemark)
Fondée en 1944 à la suite d’une vigoureuse prise de bec entre deux estimés membres de l’establishment littéraire, l’Association des traducteurs du Danemark (DOF) a dès ses origines défendu l’art de la traduction littéraire comme étant précisément cela : un art littéraire. La question à l’époque, pour faire court, était de savoir si le traducteur n’était qu’un singe savant cherchant des mots dans un dictionnaire, ou s’il était ou un artisan de la langue et de la culture, doté d’une sensibilité littéraire aiguisée, qui récrit un texte dans sa langue sans en perdre les connotations culturelles, historiques, spécifiques au genre, intertextuelles, interpersonnelles, ni les significations subtiles. Il va sans dire que les fondateurs de DOF étaient partisans de la dernière version.
Un paysage changeant pour les livres
Aujourd’hui, la défense de la valeur des compétences et du talent humains reste –malheureusement – un combat à mener. Cette fois, cependant, il ne s’agit pas plus singes mais de machines, ou plutôt, pour dire les choses crûment, de savoir si ce qu’on appelle l’intelligence artificielle peut traduire des livres sur un pied d’égalité avec l’humain. C’est l’une des principales questions qui occupent DOF en ce moment, et nous rappelons avec insistance aux éditeurs, aux journalistes et au public que quelque chose de précieux et d’irremplaçable sera perdu si nous laissons les machines écrire nos livres (traduits). Au minimum, les lecteurs méritent de savoir si un livre a été traduit par un programme informatique.
L’année dernière, nous avons négocié avec les éditeurs sur la transparence autour de cette question, sur la répartition du droit de prêt et sur le renouvellement de notre contrat-type. Les enjeux sont considérables, non seulement pour nous, traducteurs, qui sommes bien sûr inquiets de ce qu’il adviendra de nos emplois, mais aussi, plus généralement, pour le secteur de l’édition et la diversité de notre littérature s’ils cessent de se reposer sur l’humain.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, en février 2025, nous continuons d’espérer collaborer avec les éditeurs pour poser les bonnes bases à l’heure d’entrer dans le Meilleur des mondes de l’IA générative.
Les conseils profitent à tous
Heureusement, et même dans un marché du livre extrêmement libéralisé comme celui du Danemark où il n’existe ni loi sur le prix unique, ni contrat type, ni le moindre barème de tarifs, nous avons accès à des informations inestimables grâce à notre service de conseil. Deux ou trois conseillers désignés, généralement des membres du CA, répondent aux questions de nos membres comme de non-membres sur les contrats et sur le marché du livre. Renseigner les non-membres peut sembler à première vue contraire à notre intérêt en tant qu’association, mais nous pensons bénéfique à long terme de sensibiliser tout le monde et de permettre à nos collègues, en particulier s’ils sont nouveaux dans le secteur, de mieux comprendre leurs droits et les normes du marché.
Ce service, gratuit, connaît un grand succès depuis dix ans qu’il existe. Il nous fait connaître et nous amène de nouveaux membres, et à l’inverse le CA y gagne des données précieuses sur ce qui se passe chez les non-membres. En ce qui concerne la question de l’IA, nous recueillons des témoignages vécus avec ce que l’on appelle le travail MTPE (Machine Translation Post Editing) et pouvons estimer à quelle fréquence les éditeurs utilisent y ont recours (pas beaucoup pour l’instant, semble-t-il).
Pour les membres du CA, les connaissances acquises en tant que conseillers contractuels constituent un cours accéléré sur les méthodes du marché et sur la lecture d’un contrat. Dans l’ensemble, il s’agit d’un arrangement gagnant-gagnant dont nous sommes très fiers.
L’IA générative est également le thème de notre prochain séminaire en coopération avec le PEN danois. Depuis plusieurs années, nous célébrons ensemble la Journée internationale de la langue maternelle de l’UNESCO, le 21 février. Une table ronde réunira traducteurs littéraires, interprètes, traducteurs agréés, écrivains, éditeurs et chercheurs pour débattre et s’éclairer mutuellement sur l’utilisation et la valeur de l’IA générative dans nos secteurs d’activité. La coopération entre les différents acteurs sur un sujet aussi sensible est encourageante, et nous espérons qu’il en résultera beaucoup de connaissances nouvelles.
Un refuge
Bien sûr, DOF n’est pas seulement une association politique qui se bat pour de meilleures conditions de travail et qui tente de nouer des alliances dans un monde précaire. Nous sommes aussi un lieu où les traducteurs littéraires peuvent se rencontrer, discuter, trouver une inestimable communauté de pairs et de complices. Ainsi, l’un des grands avantages pour les traducteurs (et les écrivains et illustrateurs) au Danemark est le centre Hald Hovedgaard, situé dans un vieux manoir au milieu du Jutland, en plein cœur d’un paysage de lacs, de forêts et de landes d’une beauté époustouflante. Chaque traducteur ayant publié au moins un livre à son nom peut y demander une résidence gratuite. C’est une merveilleuse occasion de rencontrer des collègues et d’échanger des notes dans un cadre unique, imprégné d’histoire littéraire.
En somme, notre association octogénaire ne montre aucun signe de ralentissement ni de fatigue. Depuis 2015, le nombre de nos adhérents a connu une croissance de 25 %, et nous sommes résolus à continuer de nous battre pour les droits des traducteurs : tant nos droits juridiques que le droit à la reconnaissance de nos compétences irremplaçables.
Photo : Malthe Ivarsson