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Déclaration sur l’intelligence artificielle
1. Tout le monde compte : nos exigences juridiques
• La traduction littéraire ne peut exister que selon les principes dits ART* : Autorisation, Rémunération, Transparence (ART)
Toute cession de droits pour un usage commercial, tel que l’entraînement des IA, doit être négociée par l’auteur de l’œuvre dans le cadre d’une clause de consentement préalable (opt-in).
*ART : https://europeanwriterscouncil.eu/ewc-tengai-principles/
• Transparence sur toute la chaîne du livre, en amont comme en aval
Les exigences de transparence imposées aux sociétés d’IA doivent être strictement respectées. De même, toute utilisation d’une IA générative, à n’importe quel stade du processus de publication, doit être clairement indiquée sur le produit final. Chacun des participants de la chaîne du livre doit répondre de son usage de l’IA, de même que chacun doit recevoir une juste rémunération pour sa contribution.
• Pas de fonds publics pour les publications réalisées avec une IA générative
Les politiques publiques sont cruciales pour le secteur de l’édition : le marché à lui seul ne pourrait soutenir toute la richesse culturelle d’un pays moderne. Les intérêts économiques qui sous-tendent l’usage de l’IA n’ont pas à être subventionnés.
2. Toutes les langues comptent : notre perspective professionnelle
• Les machines ne sont pas des traducteurs, mais des « traductoïdes » : elles ne traduisent pas, elles génèrent du matériau textuel.
L’usage de l’IA standardise les traductions et appauvrit les cultures et les langues écrites, notamment (mais pas exclusivement) en raison du biais d’ancrage (la tendance à être influencés par la première proposition que nous fait la machine) et de l’autopollution (la machine apprenant de ses propres productions).
• Tous les genres littéraires méritent une traduction humaine
L’idée que certains livres seraient mieux adaptés que d’autres à un traitement par IA générative engendre entre la haute littérature et les autres textes une distinction dangereuse qui ne peut qu’entraver le développement sociétal par la lecture.
• Toutes les langues méritent une traduction humaine
Nous contestons l’idée de l’IA comme outil permettant un meilleur accès aux langues minorisées. Au contraire, nous mettons en garde contre le risque que les langues hégémoniques soient utilisées comme langues relais. Sans médiation humaine, les éditeurs dépendront encore plus des mécanismes du marché pour le choix des œuvres à importer.
3. Tous les livres comptent : nos convictions humanistes
• La traduction littéraire n’est pas une simple transcription
Les traducteurs littéraires traduisent des textes enracinés dans leur contexte culturel, social et historique, pour des lecteurs également enracinés dans leurs propres contextes spécifiques. La traduction exige une compréhension de ces contextes, ainsi que des compétences avancées en écriture créative. Aucune machine ne peut égaler cela sans être secondée par un effort humain considérable.
• Les actes créatifs sont ce qui fait notre humanité
Le doute est humain, et la machine ne doute pas. Les systèmes d’IA proposent des solutions « fonctionnelles » que nul ne peut décortiquer ni contester. Chacun doit pouvoir conserver le droit de créer – en échange d’une juste rémunération si c’est son métier –, ainsi que le droit d’enrichir son esprit et son âme par la lecture d’œuvres de création.
• La traduction littéraire est une œuvre littéraire
La traduction créative doit être considérée comme un trésor littéraire national et international, et mérite d’être protégée à ce titre. Le pillage pratiqué pour l’entraînement des IA, dans un but purement lucratif, ne fait pas qu’enfreindre les lois sur le droit d’auteur : il nuit au patrimoine culturel de l’humanité dans son ensemble.
Ela Varošanec Krsnik, du groupe de travail du CEATL sur l’IA, explique la position du CEATL lors des Rencontres européennes de la traduction littéraire, Parlement européen, Strasbourg, 2-4 octobre 2024